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Thomas BOUDIER, Avocat au barreau de Lyon

Thomas Boudier a étudié le droit à Montpellier, à Poitiers et en Suède. Il est diplômé d'un Master 2 en Droit des affaires appliqué aux nouvelles technologies. Il s'est inscrit au barreau de Lyon en 2015.

La Cour de cassation dans un arrêt n°27 du 9 janvier 2020 (18-19.846) a jugé que : 

" Vu l’article L. 331-9 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieur à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu L. 733-17 puis L. 733-16 du même code ;

Attendu qu’il résulte de ce texte qu’en cas d’inexécution par le débiteur des mesures recommandées homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant. "

Autrement dit, lorsque le débiteur ne respecte pas les mesures recommandées (par la commission de surendettement des particuliers) qui ont été homologuées (par le Tribunal d'instance jusqu'au 31 décembre 2019, par le Juge des Contentieux de la Protection depuis le 1er janvier 2020), le créancier ne recouvre la faculté d'exercer des voies d'exécution, soit s'il est mis fin au plan par décision du juge statuant en matière de surendettement, soit par effet d'une clause résolutoire prévue dans l'ordonnance ayant arrêté les mesures. 

En pratique, il faut donc retenir que : 

- soit la décision a défini les modalités de déchéance du plan, dans ce cas le créancier pourra se prévaloir si le débiteur ne respecte pas les mesures recommandées (généralement le remboursement par mensualités définies selon le plan) en suivant le contenu de l'ordonannce qui a pu fixer délais et formes de la mise en demeure, 

- en l'absence de clause résolutoire, le créancier doit saisir à nouveau le juge compétent, à savoir le juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement, pour mettre fin au plan, 

Pour rappel, le plan, tant qu'il est actif, bloque le créancier dans la mise en oeuvre de mesures d'exécution forcée en application de l'article L. 733-16 du Code de la consommation.

Le créancier doit donc s'assurer de la déchéance du plan s'il veut pouvoir reprendre le recouvrement, faute de quoi il encoure doublement la nullité de la mesure d'exécution entreprise et engage sa responsabilité compte tenu du caractère abusif de la saisie. 

La Cour de Justice de l'Union Européenne a apporté dans son arrêt du 24 septembre 2019 C-507-17 des précisions quant à l'assise géographique du droit au déréférencement. 

Pour mémoire, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dégagé dans son arrêt du 13 mai 2014 le droit de solliciter d'un moteur de recherche qu'il déréférence des résultats identifiants c'est à dire des résultats correlés aux noms et prénoms d'une personne. 

Des difficultés sont nées sur l'interprétation de la portée géographique du déréférencement. 

Ainsi, la société Google assurait la mise en oeuvre de ce droit par identification de la zone géographique de l'internaute. 

Autrement dit, le déréférencement était ainsi relatif tant par rapport à la personne l'ayant sollicité que par rapport à l'internaute. 

La CNIL dans une décision de 2016 avait ainsi condamné la société Google dans une délibération du 10 mars 2016 à une amende de 100.000,00 euros pour n'avoir pas assuré la pleine effectivité du droit au déréférencement à l'échelle mondiale : 

Ainsi tout internaute, où qu’il se situe, est à même d’avoir accès à des pages web déréférencées en effectuant sa recherche à partir d’une extension non européenne du moteur de recherche.Une telle mesure ne permet pas de répondre aux impératifs d’efficacité, de complétude, d’effectivité et de non contournement qui s’imposent au regard de la décision précitée de la CJUE en ce que l’atteinte à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel des personnes concernées persiste.Dès lors, seul un déréférencement sur l’ensemble du moteur de recherche est de nature à permettre une protection effective des droits des personnes.[...]En tout état de cause, n’importe quel internaute situé en dehors du territoire français ne sera pas concerné par la mesure de filtrage et pourra continuer à avoir accès aux informations déréférencées en interrogeant les extensions non européennes du moteur de recherche s’il réside dans l’Union Européenne ou n’importe quelle version de […] s’il se situe en dehors de l’Union européenne. Or, la protection d’un droit fondamental ne peut varier en fonction du destinataire de la donnée. Le droit européen, comme le droit national, prévoit que la personne concernée peut exercer son droit à l’égard d’un traitement de données, sans que les éventuelles différences de destinataires n’aient d’incidence. Ainsi, la solution proposée par la société demeure incomplète.

Cette mesure complémentaire ne permet pas d’atteindre l’objectif imposé par la directive, et rappelé par la Cour de justice, de permettre aux résidents européens de bénéficier d’une protection efficace et complète de leurs droits fondamentaux, dont la Commission est chargée d’assurer le respect s’agissant des demandes de déréférencement présentées par des résidents français.Seule une mesure s’appliquant à l’intégralité du traitement lié au moteur de recherche, sans distinction entre les extensions interrogées et l’origine géographique de l’internaute effectuant une recherche est juridiquement à même de répondre à l’exigence de protection telle que consacrée par la CJUE.

Délibération CNIL n°2016-054 du 10 mars 2016

Google formait un recours contre la délibération n°2016-054 devant le Conseil d'Etat, laquelle juridiction adressait une triple question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne. 

La Cour de Justice de l'Union Européenne dans sa décision du 24 septembre 2019 vient de juger que : 

Lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement en application de ces dispositions, il est tenu d’opérer ce déréférencement non pas sur l’ensemble des versions de son moteur, mais sur les versions de celui-ci correspondant à l’ensemble des États membres, et ce, si nécessaire, en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes effectuant une recherche sur la base du nom de la personne concernée à partir de l’un des États membres d’avoir, par la liste de résultats affichée à la suite de cette recherche, accès aux liens qui font l’objet de cette demande.

CJUE 24 septembre 2019 C-507-17

La CJUE fait ainsi le constat dans sa décision de l'absence d'universalité du droit au déréférencement ainsi que de l'absence de mise en balance opérée au sein de l'Union européenne entre protection des données personnelles et portée du déréférencement en dehors de l'Union : 

59    Cela étant, il convient de souligner que de nombreux États tiers ne connaissent pas le droit au déréférencement ou adoptent une approche différente de ce droit.

60     Par ailleurs, le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité [voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert, C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662, point 48, ainsi que avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 136]. À cela s’ajoute le fait que l’équilibre entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, d’un côté, et la liberté d’information des internautes, de l’autre côté, est susceptible de varier de manière importante à travers le monde.

61    Or, si le législateur de l’Union a, à l’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement 2016/679, effectué une mise en balance entre ce droit et cette liberté pour ce qui concerne l’Union [voir, en ce sens, arrêt de ce jour, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, point 59], force est de constater que, en revanche, il n’a, en l’état actuel, pas procédé à une telle mise en balance pour ce qui concerne la portée d’un déréférencement en dehors de l’Union.

Faut-il convenir que ce jugeant, la CJUE laisse à l'opérateur une marge de manoeuvre importante pour atteindre un objectif relativisé puisque à suivre le raisonnement de la Cour de simples mesures propres à décourager sérieusement les internautes suffiraient ? 

Ce serait faire une lecture par trop hâtive de l'arrêt qui précise dans son antépénultième attendu que :  

le droit de l’Union n’impose pas, en l’état actuel, que le déréférencement auquel il serait fait droit porte sur l’ensemble des versions du moteur de recherche en cause, il ne l’interdit pas non plus. Partant, une autorité de contrôle ou une autorité judiciaire d’un État membre demeure compétente pour effectuer, à l’aune des standards nationaux de protection des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 29, et du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 60), une mise en balance entre, d’une part, le droit de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant et, d’autre part, le droit à la liberté d’information, et, au terme de cette mise en balance, pour enjoindre, le cas échéant, à l’exploitant de ce moteur de recherche de procéder à un déréférencement portant sur l’ensemble des versions dudit moteur.

Conclusion : pour la CJUE, si le droit de l'Union n'impose pas à l'organe régulateur d'ordonner que le déréférencement se fasse sur l'ensemble des extensions du moteur de recherche, il ne l'interdit pas pour autant.

Il revient donc à l'autorité de contrôle dans sa mise en balance entre protection des données personnelles et liberté d'information de définir l'étendue du déréférencement, lequel : 

- doit être effectif pour un internaute accédant depuis l'ensemble du territoire de l'Union européenne, 

- peut être effectif sur l'ensemble des extensions couvertes par le moteur de recherche. 

Par conséquent, toutes les interrogations soulevées à juste titre par la CNIL quant à la faculté pour un internaute de contourner le zonage (par utilisation d'un VPN ou tout simplement par le paramétrage du moteur de recherche qui, s'il renvoie l'utilisateur sur la version locale permet également de s'affranchir et de sélectionner une version étrangère de ses services), demeurent donc parfaitement d'actualité. 

La CJUE étant saisie par le biais de plusieurs questions préjudicielles, ce sera désormais au Conseil d'Etat d'apporter le dernier mot au litige en recours contre la décision rendue par la CNIL. 

Thomas BOUDIER

 

Un arrêt récent de la Cour d'appel de Versailles (13e ch., 2 juill. 2019, n° 18/02311) précise que le moyen tiré de la disproportion aux biens et aux revenus de la caution peut être soulevé en tout état de cause, échappant ainsi au jeu de la prescription. 

Ce jugeant, la Cour d'appel de Versailles souligne que l'inopposabilité du cautionnement en cas de disproportion est un régime autonome, lequel doit se distinguer de celui de la nullité de l'acte. 

Non sans pédagogie, l'arrêt rappelle également que si c'est à la caution de rapporter la preuve de la disproportion au moment de la signature de l'acte, c'est bien au créancier de rapporter la preuve d'un retour à meilleur fortune au moment où il met en demeure la caution de s'exécuter. 

« Il résulte des dispositions de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation, applicable aux cautionnements signés à compter du 6 août 2003, reprises aux articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d’en apporter la preuve, laquelle s’apprécie à la date de la conclusion du cautionnement. 

La charge de la preuve du retour à meilleure fortune de la caution incombe au créancier. La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution est l’impossibilité pour le créancier professionnel de s’en prévaloir et non pas sa nullité. 

La cour, saisie de l’appel du jugement qui a débouté le Crédit agricole de ses demandes au motif que les engagements de caution souscrits par M. Y étaient manifestement disproportionnés, répondra au moyen tiré de la disproportion sans avoir à répondre à la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de nullité des engagements dès lors que ce n’est pas la sanction encourue et que le moyen tiré de la disproportion peut être soulevé en tout état de cause. »

CA Versailles, 13e ch., 2 juill. 2019, n° 18/02311