Garantie légale de conformité dans le numérique

Garantie légale de conformité dans le numérique

En réaction à l’émergence de nouvelles pratiques, de nouveaux acteurs et de nouveaux outils dans le domaine du numérique, le régime de la garantie légale de conformité des biens a récemment fait l’objet d’une profonde réforme à l’échelle de l’Union européenne avec la transposition de la directive 2019/770/UE.

En plus de la traditionnelle garantie légale de conformité des biens, il est désormais prévu une garantie légale de conformité dans les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

Tout professionnel est légalement tenu de garantir la conformité des contenus numériques et des services numériques qu’il fournit dans le cadre d’un contrat de consommation.

En droit français, cette garantie est régie par les articles L. 224-25-12 à L. 224-25-26 du Code de la consommation, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022.

Ce guide juridique vise à expliquer les bases du nouveau régime de la garantie légale de conformité pour les contenus numériques et les services numériques et répondre aux questions que vous pourriez vous poser à ce sujet.

 

Un contenu numérique ou un service numérique, c’est quoi ?

On entend par « contenu numérique » des données produites et fournies sous forme numérique.

On entend par « service numérique » un service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder, ou un service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d’autres utilisateurs de ce service.

Le terme de « service numérique » ne recouvre ainsi pas tous les services proposés par le biais du numérique, mais seulement ceux qui permettent une véritable interaction entre l’utilisateur et le contenu numérique.

Le nouveau régime vise un panel volontairement large d’acteurs numériques. On peut penser ici par exemple aux réseaux sociaux, aux services de cloud, aux services de vidéos à la demande ou aux jeux vidéo en ligne.

 

Qu’est-ce que la garantie légale de conformité pour les contenus et services numériques ?

 Dans les contrats de consommation, le professionnel doit garantir à l’utilisateur que le contenu numérique ou le service numérique qu’il fournit est bien conforme.

Le professionnel répond de tout défaut de conformité du contenu ou du service numérique, sa responsabilité est donc engagée vis-à-vis de l’utilisateur en cas de défaut de conformité.

Il peut, selon les cas, être en outre amené à répondre de tout défaut de conformité résultant de l’intégration incorrecte du contenu ou du service numérique dans l’environnement numérique de l’utilisateur.

La garantie légale de conformité pour les contenus et services numériques est indépendante du droit de rétractation, de la garantie légale des vices cachés et de la garantie commerciale, si une telle garantie est prévue.

Elle est également à différencier du nouveau droit du consommateur aux mises à jour, présenté ci-dessous.

 

Dans quels cas s’applique-t-elle ?

La garantie légale de conformité pour les contenus et services numériques s’applique à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, par lequel le professionnel s’engage à fournir un contenu ou un service numérique.

Le régime est étendu aux services en apparence « gratuits », c’est-à-dire dans les cas où le professionnel fournit le contenu ou le service numérique en échange de tout autre avantage au lieu ou en complément du paiement d’un prix. Cette formulation vise notamment la fourniture par le consommateur de ses données personnelles, par exemple.

La garantie légale de conformité des biens ne s’applique notamment pas lorsque le contrat est conclu entre professionnels ou entre consommateurs.

La garantie ne s’applique pas aux contenus numériques fournis sur un support matériel, sauf si ce support sert exclusivement au transport du contenu numérique.

La garantie ne s’applique pas non plus aux biens comportant des éléments numériques, c’est-à-dire tous biens meubles corporels qui intègrent un contenu numérique ou un service numérique ou qui sont interconnectés avec un tel contenu ou un tel service, de manière telle que l’absence de ce contenu numérique ou de ce service numérique empêcherait le bien de remplir ses fonctions.

Pour de tels biens, c’est la garantie légale de conformité des biens qui s’applique. Pour en savoir plus, vous pourrez lire notre guide à ce sujet.

 

Qu’est-ce qu’un défaut de conformité ?

 La loi prévoit que le professionnel doit délivrer un contenu ou un service numérique conforme.

La conformité s’apprécie selon deux catégories de critères : des critères objectifs et des critères subjectifs.

Ainsi, le contenu ou le service numérique doit être conforme à ce qui a été prévu dans le contrat et convenu entre le professionnel et l’utilisateur, que ce soit dans les conditions générales ou dans les conditions particulières.

Notamment, le contenu ou le service numérique doit correspondre en termes de fonctionnalité, de compatibilité et d’interopérabilité.

En plus de ce qui a été prévu au contrat, le contenu ou le service numérique doit :

  • correspondre à ce que l’utilisateur peut généralement attendre d’un tel type de contenu ou de service numérique,
  • en principe être fourni dans sa version la plus récente disponible au moment de la conclusion du contrat,
  • être fourni sans interruption tout au long de la période pendant laquelle le professionnel s’est engagé à la fourniture continue,
  • être fourni, le cas échéant, avec les mises à jour que le consommateur peut légitimement attendre.

 

Qui doit prouver quoi ?

 La loi prévoit une présomption en faveur de l’utilisateur.

En cas de fourniture ponctuelle, tout défaut qui apparaît dans les 12 mois à compter de la fourniture du contenu ou du service numérique est présumé exister avant la délivrance.

Lorsque le professionnel s’engage à fournir le contenu ou le service numérique de façon continue pendant une période contractuellement prévue, le délai de présomption en faveur de l’utilisateur s’étend sur toute cette période.

Pendant la période de présomption, la charge de la preuve pèse donc sur le professionnel.

Le professionnel peut se décharger de la garantie s’il prouve que le défaut de conformité est directement imputable à l’incompatibilité entre le contenu ou le service numérique et l’environnement numérique de l’utilisateur, à condition pour le professionnel d’avoir informé l’utilisateur des prérequis techniques de compatibilité.

Dans ce cas, la loi prévoit une obligation de coopération raisonnable de l’utilisateur. Si l’utilisateur refuse de coopérer, la charge de la preuve est inversée et il lui appartient de prouver la préexistence du défaut de conformité.

 

Que peut réclamer le consommateur ?

 L’utilisateur peut réclamer au professionnel la mise en conformité du contenu ou du service numérique.

La mise en conformité doit intervenir sans retard injustifié, sans inconvénient majeur pour l’utilisateur et ne doit engendrer aucun frais pour ce dernier.

Le professionnel peut refuser la mise en conformité seulement si celle-ci s’avère impossible ou entraîne des coûts disproportionnés.

A défaut d’une mise en conformité, l’utilisateur a alors droit à une réduction du prix prévu voire à la résolution du contrat.

L’utilisateur peut immédiatement solliciter une réduction du prix ou la résolution du contrat si le défaut de conformité est si grave qu’il le justifie.

 

Quelles sont les conséquences d’une éventuelle résolution ?

Du côté de l’utilisateur, celui-ci doit s’abstenir d’utiliser le contenu ou le service numérique ou de le rendre accessible à des tiers à compter de la résolution. Si le contenu numérique a été fourni sur un support matériel, l’utilisateur doit, sur demande du professionnel, le restituer.

Du côté du professionnel, celui-ci doit :

  • rembourser à l’utilisateur le prix payé et lui restituer tout autre avantage reçu, éventuellement de manière proportionnelle le cas échéant,
  • mettre à disposition de l’utilisateur tout contenu (autre que les données personnelles) que ce dernier a créé ou fourni lors de l’utilisation du contenu ou du service numérique,
  • s’abstenir en principe d’utiliser tout contenu (autre que les données personnelles) fourni ou créé par l’utilisateur.

 

Qu’est-ce que l’obligation de mise à jour ?

Le professionnel est tenu d’informer l’utilisateur et de lui faire parvenir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du contenu ou du service numérique, comprenant les mises à jour correctives, évolutives et de sécurité.

Le professionnel est tenu à cette obligation pendant la période suivante :

  • en cas de fourniture ponctuelle ou d’une série d’opérations de fourniture distinctes, pendant une période à laquelle le consommateur peut légitimement s’attendre, eu égard au type et à la finalité du contenu ou du service numérique
  • en cas de fourniture continue pendant une période contractuellement prévue, durant toute cette période.

Il n’y a pas d’obligation pour le professionnel de fournir des mises à jour qui ne seraient pas nécessaires au maintien de la conformité du contenu ou du service numérique. Si le professionnel souhaite tout de même mettre à disposition de telles mises à jour, il doit respecter certaines obligations légales spécifiques.

 

Quel(s) délai(s) pour la garantie ?

La durée de l’obligation de garantie de conformité pesant sur le professionnel ne doit pas se confondre avec le délai de prescription pendant lequel l’utilisateur peut agir.

Pendant combien de temps la garantie est-elle due ?

Le professionnel est tenu par la garantie de conformité pour les contenus et services numériques :

  • pour tout défaut de conformité qui apparaît dans un délai de 2 ans à compter de la fourniture, en cas de fourniture ponctuelle ou d’une série d’opérations de fourniture distinctes du contenu ou service numérique,
  • lorsque le contrat prévoit que le contenu ou service numérique est fourni de manière continue pendant une période contractuellement prévue, pendant toute la période durant laquelle le contenu ou service numérique doit être fourni conformément au contrat.

Dans quel délai l’utilisateur peut-il agir ?

L’action en garantie légale de conformité des contenus et services numériques est soumise au délai de prescription de droit commun : l’utilisateur a 5 ans à compter du jour où il a connu le défaut de conformité pour agir contre le professionnel.

 

Article écrit par Thomas BOUDIER et Suzanne GIGNOUX

A jour du 15 septembre 2022

 

 

 

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